Que s'est-il passé au 111eme ?

C'est une des énigmes de la guerre 14-18. Le 111eme régiment d'infanterie d'Antibes fut suspecté de "connivence avec l'ennemi" lors d'une attaque allemande le 20 mars 1916 au bois de Malancourt, région de Verdun. Son historique officiel ne parle pas de cet épisode peu glorieux. Toujours est-il que ce régiment ne fut jamais décoré, et qu'il fut dissous en juin 1916 (ce qui est rare pour un régiment d'active), les éléments restants étant répartis dans d'autres régiments.
On parle parfois, sur le front, de connivence avec l'ennemi, de fraternisation à Noël ou au Jour de l'An, mais cela concerne toujours quelques soldats et sous-officiers; Dans le cas du 111eme, tout le régiment et ses officiers sont concernés. Inexplicablement, le JMO du régiment a disparu.

Voici quelques éléments sur le sujet :

Les Français à Verdun : "le 20 mars 1916, des éléments se sont portés en ligne au bois de Malancourt avec les 258e et 272e R.I. A 7 h, un violent bombardement allemand s'abat pour la 1ère fois sur le bois de Malancourt, c'est la confusion la plus totale.
A 14 h 30, les vagues allemandes débouchent devant le bois. Au soir, la situation est tragique, le bois de Malancourt est perdu et de nombreuses unités ont été faites prisonnières.
Selon les sources officielles, il semblerait que les éléments du régiment qui se trouvaient dans le secteur de Malancourt ce jour là se soient délibérément rendus à l'ennemi"

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Les faits:
C’est le 20 mars que commence l’attaque du bois de Malancourt, Avocourt et de nos positions de la vallée nord de 304.
Depuis le 1er mars, le général Alby exerce le commandement du sous secteur Avocourt - Béthincourt :  la ligne de combat est tenue par la 29emeDI qui n’a pas quitté la région depuis la mi septembre 1914.
Le 20 mars 1916, vers 7 heures, une préparation violente est déclenchée sur nos organisations du bois de Malancourt. Nos ouvrages avancés sont bouleversés, nos unités dissociées ou enfouies dans leurs abris. Vers  14h30  les vagues d’assaut débouchent, appuyées par des lance-flammes . Une action confuse s’engage dans la forêt où sont en ligne quinze compagnies appartenant à trois régiments : le 111eme, le 258eme et le 106eme RIT.
Le 111eme RI ,à gauche, est contourné, le 258eme à droite, est refoulé et son chef, le lieutenant-colonel Géant, est capturé. L’ennemi arrive dans le « réduit » du bois d’Avocourt (corne sud-est du bois) et cerne dans son PC le colonel Brümm, commandant la 57eme Brigade. Celui-ci, relié par un fil sous plomb au poste de commandement de la 29eme Division, avise le général de Salins de sa situation personnelle, mais ne peut donner aucune précision sur celle de ces troupes.
Devant cette situation tragique, les premières contre-attaques sont ordonnées, mais les lisières sud et est du bois sont fortement tenues ; de plus nos propres réseaux, fortement fixés au sol, sur une large étendue , arrêtent notre élan. Seul, le 2eme bataillon du 3eme RI réussit à réoccuper une partie du bois .
Les allemands annoncent pour cette seule journée, un gain de 2500 prisonniers.
Comment un tel succès a-t-il été obtenu par eux ? il y a là une énigme d’autant plus obscure qu’il ne faut compter, pour la déchiffrer, ni sur les documents officiels, ni sur les témoignages des intéressés.
A défaut de témoignages directs, ces témoignages indirects :

Du général Nayal de Bourgon :
Le 21 mars, d’une source quasi officielle, nous apprîmes que la brigade Brümm venait de perdre le bois de Malancourt ; le colonel Brümm avait été capturé avec 20 de ses compagnies. Ce fut une stupeur ; d’une part, tout le monde avait pu apprécier les hautes qualités militaires du colonel Brümm quand il commandait le 272eme ; d’autre part, l’organisation défensive de cette position était réputée bien aménagées, lignes téléphoniques souterraines réseaux de fils de fer épais et solides etc. ; je l’avais souvent entendu vanter, c’est celui qu’on montrait comme modèle.
Dés ce moment, on raconta que l’ennemi avait envahi le système de tranchées avec un rapidité incroyable et sans rencontrer de résistances sérieuses après un copieux bombardement.
Un échec aussi complet ne pouvait s’expliquer que par de graves défaillances ; on l’attribua à la démoralisation manifestée préalablement par de nombreuses désertions ; les soupçons de connivence avec l’ennemi en naquirent, jetant un opprobre invincible sur les deux régiments en cause.

De Raymond Poincaré dans ses mémoires :
Samedi 25 mars.- Briand prétend qu’il tient de renseignement sûr que la défaillance du 258eme à Avocourt était prévue, que des hommes dont on a saisie la correspondance avaient annoncé leur intention de se rendre. Joffre dit qu’il ignore ces fait, mais qu’il a ordonné une enquête sur ce qui s’était passé. Le général Pétain  nous a déclaré hier qu’il savait que le régiment qui tenait le bois d’Avocourt n’avait pas bon esprit, mais qu’il n’a pas voulu le déplacer pour ne pas donner une prime à la lâcheté.  
Jeudi 13 avril.- le 111eme régiment qui a fléchi était entré en pourparlers avec les Allemands ; une enquête est commencées, ainsi que pour le 258eme des poursuites seront ordonnées s’il y a lieu.
Mercredi 19 avril.- le général Bazelaire, qui commande le secteur gauche, nous parle avec une extrême sévérité de la défaillance du 111eme une enquête est ouverte ; il y aura au besoin des sanctions par contumace.

Du capitaine G. Couston,du 157eme Régiment d’infanterie alpine :
C’est sur le 111eme que doit peser la principale responsabilité de la perte du réduit du bois d’Avocourt, et plus encore qu’aux hommes, cette responsabilité doit aller aux officiers, lesquels étaient manifestement au dessous de leur tâche. Quand mon régiment (157eme) a repris le réduit huit jours plus tard, il a recueilli des territoriaux blessés du 106eme R.I.T que les Allemands n’avaient pu évacuer, et qui étaient demeurés sur le terrain à la corne du bois. Les dépositions de ces territoriaux permettent d’affirmer qu’aucune résistance sérieuse n’a été faite à l’ennemi.
D’après un témoignage, dont nous n’avons pu obtenir confirmation, un grand nombre de ceux qui s’étaient ainsi rendus auraient été égorgés sur place par les allemands.

Témoignage du Colonel Marchal : "Les éléments de première ligne (du 111e) manquèrent de vigilance et il semble prouvé aussi qu'ils renfermaient certains éléments douteux, peu désireux de se battre, et qui entretenaient des intelligences avec l'ennemi. On ne sait pas trop ce qui se passa exactement. Tout se fit sans beaucoup de bruit."

Témoignage intéressant car il est écrit "sur le vif", le lendemain de l'affaire :
Témoignage de Jules Frottier, caporal brancardier au 47e, dans son journal, le 21 mars 1916 : "On nous indique notre local, nous allons remplacer le 106eme territorial qui nous apprend qu'un de leur bataillon s'est trouvé aux prises avec les boches dans le bois de Malancourt et cela a causé de la défection des troupes d'active d'avant, le 111 et le 258."

il parait qu'il y a un livre sur cette histoire :
Maurice Mistre, « La légende noire du 15e corps ou l’honneur volé des Provençaux, par le feu et l’insulte »

Le 15e corps fut accusé à tort de la défaite de Morhange lors de la bataille des frontières en août 1914, il y a une abondance de littérature sur ce sujet.

Surtout, pas de polémique, svp, le sujet est sensible...je viens de m'en rendre compte en travaillant plus en profondeur l'histoire du XVeme Corps. Peut être que le Nain pourrait approfondir le sujet.

Le XVe corps s'est fait prendre en tenailles lors de la bataille de Morhange, écrasé par l'artillerie lourde et les mitrailleuses allemandes et fut contraint de reculer avec des pertes invraisemblables . C'est en fait la faute de la doctrine française d'offensive à outrance sans protection de l'artillerie légère, sans que les mitrailleuses soient portées à l'avant. Bref, on chargeait comme en 1870 face à un ennemi retranché avec des armes lourdes. Cela ne pouvait que mal finir.

Joffre accusa ce corps de lâcheté, et comme il était de recrutement méridional, les journaux parisiens emboîtèrent le pas en affirmant que les Provençaux faisaient de mauvais soldats. Les pertes subies et une analyse à froid montrent d'évidence la fausseté de ses affirmations. Mais la légende, comme beaucoup de légendes, perdurera longtemps, sauf auprès de ceux qui s'intéressent de près à ces batailles.

Le Nain a écrit: Joffre accusa ce corps de lâcheté, et comme il était de recrutement méridional, les journaux parisiens emboîtèrent le pas en affirmant que les Provençaux faisaient de mauvais soldats. Les pertes subies et une analyse à froid montrent d'évidence la fausseté de ses affirmations. Mais la légende, comme beaucoup de légendes, perdurera longtemps, sauf auprès de ceux qui s'intéressent de près à ces batailles.

Merci de rétablir la vérité , car il était sûrement plus facile d'envoyer à l'abattoir des pauvres bougres que de s'exposer soit même et quand cela se passait mal de mettre la faute sur ces derniers pour se couvrir et en bon provençal que je suis , j'appelle ça être un trou du cul sans scrupule et sans figure.